Anne-Sophie Maignant
Contes sylvestres
Des notes éparses et quelques images, en attente de montage
- « Quand même ! Pour moi, vous racontez des histoires ! »
- « Mais … je ne sais pas lesquelles … Mes modèles ne sont pas des personnages, ils ne font pas d’action
véritable, ils occupent des places … et parfois ces places suffisent à ébaucher un sens … »
Apparition fugitive
Je revenais de Grandfresnoy, au détour d’une haie, je l’ai aperçu, là, dans un champ, juste
en bordure du bois : un chevreuil … mais je n’ai pas eu le temps … il ne m’a pas laissé le temps …
Je me promène. J’écoute. Je m’imprègne …
J’improvise sur un thème.
La série des Contes Sylvestres, réminiscence de contes populaires ou de littérature antique,
met en scène des rencontres improbables dans des photographies utopiques.
Quel lien ? Quelle peur ? Quel désir unit ces figures animales et humaines dans un même lieu ?
Il y a aussi ce projet de film que j’avais déjà nommé Diane : Qui craint qui ?
L’homme, cerf égaré, piégé, ou la femme au bain, épiée, outragée ? Qui chasse qui ?
J’avais opté pour l’indécidabilité : il n’y aurait pas de personnage principal …
Ça tenterait de saisir des craintes et des désirs, de déchiffrer des signes …
Tous ces arbres ployés en arc comme des armes de Déesse
Tous ces arbres ployés en arche comme des temples à la Déesse
Et la lumière qui darde ses rayons en flèches aveuglantes.
Ce serait un repérage, bribes de corps, éclaboussures de lumières,
Elle avait choisi une courte robe de soie aux motifs bleus, bruns, verts, et des sandales de cuir plates.
Elle est assise sur le talus recouvert de mousse tendre, au-dessus d’elle, une branche dessine une
arche. Sur le petit écran de la caméra, je n’ai pas vu ce lierre, vertical, qui masque son visage …
Mi-mai, et déjà les jacinthes sauvages, fanées, ont perdu leurs pétales. Elles ne sont plus que graines
sur pied, toutes vertes, mais ces graines, filmées au soleil, ressemblent à des perles, perles de collier,
fragiles, oubliées par quelque nymphe au pied agile ?
Jolis êtres aux gestes étranges, attentifs et fuyants, au moindre bruit : souffles et craquements
J’avais demandé à Kimy, Tom et Kevin de s’imaginer faunes, la seule action prescrite était de fuir
comme le ferait un animal surpris, dès que leur regard croiserait l’objectif de ma caméra.
Plus tard dans l’après-midi, ils ont inventé un jeu qui se danse.
Des rires joyeux se répondent puis s’éteignent, et le vent dans les arbres couvre les pépiements.
Un silence remplace le brame d’un cerf, et puis rien.
Bris de brindilles,
Endymion dormait.
Lorsque j’ai vu Kevin, ses boucles rousses, sa peau de lait, la candeur malicieuse
de ses yeux verts et sa nonchalance gracieuse m’ont immédiatement
fait penser à un jeune pâtre issu de quelque tableau pré-raphaélite ( …)
Il me faudrait saisir la beauté singulière de ce visage, j’avais déjà le cadre,
le rouge des boucles posé comme un fruit sur le vert moussu d’un grand arbre.
Puis, j’ai croisé Christelle, fière cavalière, dans la rue des bois. Elle rejoignait Houdancourt.
Son port de tête altier et la couleur, noire, de son cheval ont eu raison de ma timidité.
- « Et si je lui demandais d’être modèle ? »
Elle traverserait le champ de la caméra, avancerait encore, ferait un clin d’œil en gros plan, et,
contre-champ, s’éloignerait en remontant l’allée de Diane, pour disparaître dans les bois …
Elle est sortie trop rapidement du cadre, je n’ai pas pu filmer son visage
- « No matter, if she is a goddess, you can never see her face »
Comment montrer ce qu’il est défendu de voir ?
Bruissements, changements imperceptibles et incessants de la lumière
Métamorphose d’un geste,
(ou) d’un mouvement de caméra : tournoiement à la cime des arbres, étourdissement, (qu’est-ce)
qui se cache dans la transparence des feuillages et le vacarme blanc d’un soleil qui brûle les images ?
Travail antérieur