Chloe Steele
Objects for future shapes
Les grandes lignes de formes à venir.
D’où viennent-elles ?
Je suppose que je les invente. Mais je sens bien que quelque chose existe déjà et que je tâtonne afin d’en dégager les formes, comme dans un brouillard épais.
« …a tactile sensation is a blind spot ; we touch in silhouette. »
Vladimir Nabokov, Ada or Ardor
Lors de notre premier déjeuner au Château de Sacy, Hermine casse un œuf dur en faisant éclater la coquille contre sa tête. En signe de solidarité, je fais de même … pour m’apercevoir que le mien n’est pas cuit !
J’aime le début. On se sent très libre. C’est le cœur même de la création ; puis, progressivement, on travaille l’épaisseur afin de donner naissance à … à …
Une forme ?
Une forme, c’est ça. Et alors, elle acquiert peut-être davantage de substance
Comment ça va ?
Bien merci.
Est-ce que vous savez ce que vous allez faire ?
Oui … plus ou moins (Non).
Qu’est-ce que vous faites exactement ?
Du dessin, de la peinture, de la sculpture, des vidéos (Je ne sais pas).
Il faudra que je vienne jeter un coup d’œil.
Bien sûr. Quand vous voulez. (Mais je n’ai rien fait et, en ce moment même, je me demande si j’arriverai encore à réaliser quoi que ce soit).
Soyons honnête : de manière générale, la recherche de la vérité a quelque chose d’odieux. Tant pis pour les formes platoniciennes ! Oui aux mensonges ! Savourons l’approximation. Regardons les ombres danser sur le mur et ne nous détournons pas.
Il n’y a pas de vérité absolue – si ce n’est celle-ci … bon d’accord, c’est un vieux paradoxe – mais, à un moment ou à un autre, il faut bien fixer des limites … même s’il s’agit du trait, des contours, de la silhouette.
Au diable l’idéal ! A quoi ça sert de plisser les yeux en vain ?
Pensez à la liberté qu’apporte l’illusion – ces formes floues aux contours erratiques.
Quelle est cette forme imprécise avec laquelle vous vous êtes débattu toute la journée ? Une pierre, un buisson, une fichue paire de ciseaux ! Est-ce que c’est ça ? Après tout ce travail. Hé bien … alors, c’est ça !
Cet oignon n’est-il pas un peu vert ? Non ? Mais il a l’air … non ? Ah. D’accord. Probablement pas. Non, non, vous avez raison. Vous avez forcément raison … J’en prendrai deux merci.
Lorsque vous regardez une forêt, pourquoi percevez-vous les bosquets ? Et pourquoi semblent-ils si différents de jour en jour. Cela vient-il d’eux ? De vous ? Est-ce la lumière ? Cela a-t-il de l’importance ?
Dans l’obscurité tout est tel quel. Dans l’obscurité vous ne ressentez rien et, à cause de ce rien, tout semble étudié, comme lorsque l’on prend une pose face à un miroir. Mais après le rien, vient quelque chose … ou tout du moins l’ébauche de quelque chose, qui prend consistance.
Telles sont les origines, insondables. Ce qui a surgi de rien. Les formes qui apparaissent lorsque l’on a cessé de chercher. Les choses que l’on découvre, comme par hasard.
A partir d’ici la route est droite, le chemin linéaire. Il est temps de s’élancer, de recoudre la trajectoire déjà parcourue ; commencez par l’origine pour changer, et observez les effets … juste pour le plaisir !
Pour une raison ou pour une autre, vous vous retrouvez toujours face à la direction opposée ou en train de retracer vos pas. Mais dirigez-vous vers quelque chose et voyez ce que vous trouvez. Peut-être rien mais, de toute façon, ce n’est pas un si mauvais endroit où commencer ou terminer.
Travail antérieur
Mon travail dépend toujours de l’endroit où je vis. Ceci, combiné avec la structure que je crée, le dessin et le rapport entre deux ou trois dimensions me permet de dire que ce qui en résulte est autobiographique. C’est une bataille constante entre l’ordre et le désordre, des concepts stricts étant déformés par le hasard et l’incapacité à reproduire ce que j’avais en tête au départ.