Danaé Monseigny
Élégie
Un angle de vue : Élégie, entre mythe et réalité
Danaé Monseigny porte un prénom chargé d’histoire. Dans la mythologie grecque, Danaé est la fille du roi d’Argos, Acrisios. Un oracle lui prédit sa mort, assassiné par son propre petit-fils, enfant que Danaé mettrait au monde. Il enferme alors sa fille dans un donjon d’airain. Zeus, épris de Danaé, décide d’assouvir son désir et se transforme en pluie d’or pour réussir à la rejoindre et la séduire. De cette union, naîtra le héros mythique, Persée.
Le travail de Danaé Monseigny témoigne d’un réel intérêt pour les mythes, les histoires, les rêves et les cauchemars. Elle cherche à incarner des mythes, qui s’immiscent dans son travail et entretiennent, d’une œuvre à l’autre, une relation étroite à l’étymologie du nom de Danaé.
En lien avec l’enfermement de Danaé dans une tour, les œuvres Non-dit – 2013 et Témoignage - 2015, constituées de différents textiles de couleur noire, décrivent, comme l’écrit l’artiste elle-même, des situations « aussi cotonneuses qu’étouffantes ». Elles sont composées de formes enveloppantes comportant un orifice s’ouvrant sur l’invisible, un antre, une chambre noire ou un cocon. Déni - 2013, installe un lit à baldaquin en équilibre instable sur des rames verticales, au-dessus d’une flaque d’eau, allusion à l’histoire de Danaé, à sa fécondation par Zeus, à son enfermement avec son nouveau-né dans un coffre jeté à la mer par son père. De facture noire, la plupart des créations de Danaé Monseigny de cette période traitent de l’enfermement, d’une « prison dorée » et font écho aussi au sexe comme en témoignent les orifices et bouches ourlées de plis.
Pour sa résidence aux ateliers du château de Sacy, Danaé Monseigny a choisi le nom d’Élégie. L’artiste élit, pour enveloppe à son projet, le grenier situé dans une dépendance du château. Ce lieu clos, faiblement éclairé, est lié à la mémoire. Danaé Monseigny y fait flotter un corps fragmenté, fait de lambeaux de peau oscillants, nuages blancs se mouvant au gré du regard. Elle crée un monde de fantômes, de jeux d’ombres qui peuvent suggérer l’image d’une dépouille.
De l’opacité du noir de ses travaux initiaux, l’artiste en vient à la transparence du blanc. Elle exécute un moulage en plâtre du corps replié de sa sœur. Ensuite, elle moule des empreintes partielles de ce corps en papier japonais transparent dont elle superpose les couches en les collant. Elle y intègre des feuilles d’or pour opacifier la transparence. Puis elle enduit certaines parties de cire blanche afin de rendre plus charnels ces fragments. Méthode qui rappelle les masques de cire que les romains réalisaient de leurs défunts afin de les conserver dans un reliquaire.
Les empreintes de peau translucides sont suspendues dans le grenier, créant un corps éclaté dans l’espace. Ces formes se multiplient et voguent au gré du souffle d’air et des rayons du soleil provenant des ouvertures de ce lieu clos. La poussière du grenier ainsi visible se transforme en pluie dorée. Le réalisme du moulage initial s’oppose à l’immatérialité des formes en suspens où l’on distingue des mains en mouvement, à l’index tendu. Le rapport avec la peinture de Michel-Ange, La création d’Adam, est sous-jacent. Élégie évoque moins la notion de dépouille émise par le projet que celle du renouveau. La douce blancheur de l’œuvre en témoigne. Entre mythe et réalité, Élégie nous conte la naissance, la création du vivant, la création du monde.
Travail antérieur