Helga Steppan
Parallelistic Imitations
Helga Steppan : Parallelistic l’imitation
Les œuvres d’Helga Steppan constituent un mélange des genres : photographie, installation et sculpture. Elles commencent presque toujours par le rassemblement et le tri d’objets (qu’il s’agisse de la totalité de ses effets personnels, comme dans la série de photographies « See through - All my things » de 2004, dans laquelle l’artiste avait trié ceux-ci par couleur, ou de la multitude d’objets réfléchissants qui lui ont permis de créer l’œuvre contextuelle « Mirroculous » en 2008). Par le biais de ses œuvres, Helga Steppan s’amuse à passer du royaume psychologique des souvenirs et des associations au monde bien ordonné des systèmes et de la classification. Plutôt que de faire référence à des classifications généralement associées à l’univers des musées ou à celui des sciences, l’artiste utilise des critères qui lui sont propres, originaux, souvent ludiques, pour organiser les formes et les objets.
L’interaction entre l’univers bidimensionnel et l’univers tridimensionnel constitue une préoccupation constante pour l’artiste. Ses œuvres photographiques sont invariablement sculpturales de par leurs origines, et la photographie finale représente un vestige bidimensionnel d’une forme tridimensionnelle. Dans ses œuvres les plus récentes, l’utilisation de la photographie va au-delà de la documentation, pour devenir à la fois un point de départ et un élément vital dans la construction de ses installations contextuelles. L’instinct de rassemblement dont témoignent ses œuvres précédentes transparaît dans ces installations par son utilisation de la photographie comme moyen de rassemblement et d’organisation des informations relatives au lieu de l’exposition. Helga Steppan reconstruit ensuite les images et les informations obtenues en de nouvelles formes sculpturales qui sont enfin replacées dans la galerie. On peut sans doute deviner les prémices de ce procédé dans son œuvre contextuelle intitulée « The Spare Room » (2007), dans laquelle l’artiste avait créé un environnement onirique grâce à l’installation de photographies qui se sont révélées refléter les pièces qu’elles occupaient à la manière de miroirs.
De la même manière, dans « Parallelistic l’imitation », Helga Steppan a utilisé les caractéristiques architecturales du Château de Sacy comme point de départ. Les sculptures obtenues - des formes géométriques composées de surfaces réfléchissantes et de photographies des espaces qu’elles occupent - sont immédiatement sources de désorientation, d’interruption et de perturbation de ces espaces. Dans ces environnements imaginaires composés tantôt d’images réfléchies, tantôt de représentations photographiques, notre présence est tour à tour reflétée et effacée. Comme le suggère le nom de l’exposition, les œuvres nous renvoient à des univers parallèles, mais les autres mondes d’Helga Steppan ne sont qu’illusion - une imagination et une imitation de l’espace multidimensionnel -, et nous nous heurtons par conséquent tôt ou tard à leurs limites. Il nous est impossible de franchir la frontière invisible de la surface réfléchie, ni celle de la photographie, pour pénétrer dans celles-ci.
Influencées par les créations architecturales utopiques des années 1950 et 1960, des « Architectures Fantastiques » et de la foi de Le Corbusier dans l’ordre mathématique de l’univers, les œuvres d’Helga Steppan, qui sont de prime abord sources de confusion, créent des mondes à l’intérieur d’autres mondes. Le miroir, qui représente traditionnellement un passage vers d’autres dimensions ou le point d’entrée dans le subconscient, nous offre un regard labyrinthique infini. Il s’agit d’un « tricked gaze »1 (« regard truqué ») mais, comme Michel Foucault l’a également écrit, le monde réfléchi par un miroir constitue à la fois une utopie - un espace qui est « fundamentally and essentially unreal »2 (« fondamentalement et essentiellement irréel »), dans lequel nous sommes simultanément présents et absents -, et une « heterotopia » (« hétérotopie »), un espace entre le réel et l’utopie. Dans les œuvres d’Helga Steppan, la relation entre le réel, la réflexion et la reproduction attire notre attention sur le fait que ce dont nous sommes témoins n’est qu’illusion, ce qui nous renvoie à notre propre place dans l’espace et dans le temps.
Jacqui McIntosh est auteure indépendante et comissaire d’exposition dans la ville de Londres
www.jacquimcintosh.com
traduction Aurélie Glodowiez
1 Michel Foucault, ‘So Cruel a Knowledge’ dans Aesthetics, Method, and Epistemology, sous la direction de James Faubion (Penguin Books, 2000), p60
2 Michel Foucault, ‘Different Spaces’dans Aesthetics, Method, and Epistemology, sous la direction de James Faubion (Penguin Books, 2000), p178
Travail antérieur