Consider the Dark and the Light
C’est l’amour d’Ingrid Pollard pour la campagne et les gens qui la traversent qui est à l’origine de sa carrière photographique peuplée de croisements entre les paysages et les portraits. Dans Consider the Dark and the Light, elle continue d’explorer les récits, les récits de ceux qui interagissent avec les paysages aussi bien que les récits des paysages eux-mêmes. À quoi sert la terre ? Qui la travaille ? Qui la possède ?
À l’instar d’une chambre noire, le séjour d’Ingrid Pollard au château de Sacy a suscité des réflexions et des inversions d’expérience, de représentation et de vision. Inspirée par les scènes pastorales décrites par le papier peint en Toile de Jouy français du 18ème siècle, l’artiste nous propose un papier peint des temps modernes, où les cannes à pêche deviennent des tronçonneuses. Elle reflète l’imagerie classique presque féerique de la Toile de Jouy et nous confronte aux réalités de la vie à la campagne et de son dur labeur. À la manière du miroir de Claude Lorrain, elle isole les aspects fondamentaux d’un paysage en soustrayant le sujet à son décor.
Les portraits solennels des bénévoles des jardins du château évoquent le vécu et la réalité des scènes pastorales de la Toile de Jouy. Les poses des bénévoles, leur raideur, renvoient à la nature formelle et sauvage de la terre qu’ils façonnent. La relation de travail étroite entre l’artiste et la chambre noire est reflétée dans l’intimité de ceux dont elle fait le portrait, dans leur rapport à la terre dont ils sont les outils. En décomposant la scène pastorale, l’artiste se concentre sur les histoires des travailleurs et leur donne vie. Le papier peint d’Ingrid Pollard nous rapproche en effet des gens, des histoires et de la terre.
Le mouvement capturé dans les images d’arbre de la chambre noire trouve écho auprès des motifs répétitifs du papier peint ; il n’offre aucun point focal invitant l’œil à se poser. Ces images nous renvoient à la relation parfois cyclique entre les gens et la terre sur fond de schémas récurrents de possession, de travail, de but et de renouveau. Les questions de possession de la terre sont élargies et nous interrogent sur la possession des gens eux-mêmes, sur le commerce, le développement économique, l’implication de l’Europe dans la traite négrière Atlantique et la Compagnie Britannique des Indes orientales. L’histoire du commerce du sucre et du coton est commune à la France et à la Grande-Bretagne derrière leurs empires florissants et leurs révolutions industrielles. Le papier peint d’Ingrid Pollard attire notre attention sur la composition des scènes pastorales qui masquent le dur labeur qui était celui des travailleurs des 18ème et 19ème siècles – l’époque qui a vu naître la Toile de Jouy et la chambre noire.
L’artiste qualifie la lumière au château de forte et flamboyante. La lumière qui inonde les jardins et la terre éclaire également les travailleurs. Dans un vaste grenier vide, une silhouette se tient à la fois dans et hors de la lumière. Sa jambe tout juste courbée et son bras légèrement incurvé, elle semble sur le point de bouger. Est-elle sur le départ, ou vient-elle seulement d’arriver ? Son corps est en plein soleil, la lumière qui se répand projette un rectangle bien net sur le sol. Tout juste en dehors de ce rectangle, elle n’est ni vraiment dans la lumière, ni vraiment dans l’ombre.
Traduction : Aurélie Glodowiez
Travail antérieur
Image d’une chambre noire
Image fixe créée dans une chambre noire
Images d’une chambre noire portative