Juliette Dominati
Pince-mi et peins-moi
Pince-mi et peins-moi
La restitution finale d’une résidence est un moment où l’artiste dévoile son travail. Après un mois passé au château de Sacy, Juliette Dominati nous invite à nous introduire dans son installation de peintures. La jeune plasticienne est une glaneuse d’objets et d’image. Son travail se caractérise par de l’appropriation, de l’assemblage et de l’ajout. À la manière d’un patchwork, les différentes pièces qui le composent ne prennent leur sens qu’à partir du moment où elles ont été installées ensemble et baptisées sous un même nom. Dans le cas de cette résidence, il s’agit de Pince-mi et peins-moi.
Lorsque Juliette Dominati s’installe dans un espace de travail, elle le remplit d’objets et de rebuts du quotidien. Pour ce faire, elle parcourt son environnement, la rue et les boutiques de seconde main. Cette cueillette urbaine n’est pas balisée, les matériaux qu’elle recueille proviennent du hasard de la rencontre. L’histoire de l’objet et sa charge symbolique ne l’intéressent pas. L’objet est uniquement pour elle le support de son travail plastique, au même titre qu’une toile blanche. Les critères qui justifient sa sélection sont d’ordre formel : l’artiste peut être attirée par sa forme, sa texture et sa couleur. À Sacy, la quête s’est soldée par du bois, du polystyrène, du ruban adhésif, de la ficelle, une lampe, un coussin de fauteuil de jardin, un renard empaillé, des jouets pour enfant, un tapis, deux tasses, un vase et un sac.
Après avoir rencontré ces supports, elle les collectionne dans son atelier. L’expérience est répétée jusqu’à saturation de l’espace. Il est rare qu’elle laisse tranquille un objet, son envie de le revêtir est plus forte. Son action peut se manifester par l’amputation d’éléments, l’ajout d’une enveloppe de tissu, d’une membrane de plâtre, etc. Le plus souvent, elle le recouvre en partie ou entièrement de peinture. La douceur des tons pastel employés contraste avec la précarité, voire la fragilité de ses structures. Juliette Dominati joue de ces tensions et de ces déséquilibres.
Comme pour ses supports, elle part en quête de ses motifs en se déplaçant dans les rues, mais aussi dans les livres, sur Google ou encore sur Instagram. C’est une exploration vorace qui la nourrit et c’est seulement lorsqu’elle est repue qu’elle commence à peindre.
Sur l’un de ses objets peints appartenant à Pince-mi et peins-moi, Juliette Dominati semble convoquer l’histoire de la peinture des années 1960. L’artiste a fixé sur un des murs du salon bourgeois, le dessus matelassé d’un fauteuil de jardin, rythmé de rayures verticales bleues et blanches. Sur cette surface, elle a apposé une tache jaune clair aux contours irréguliers. Singulière réminiscence des rayures de Daniel Buren, dont la rigueur est mise à mal par la nature du matériau investi, et des aplats colorés des peintres du Colorfield painting. Interrogée sur son geste, Juliette Dominati affirme, amusée, qu’il est non prémédité. Elle a sans doute fait sienne cette histoire à force de consultations, de fragmentations et de juxtapositions. Cette œuvre est elle-même un fragment de son installation. À l’intérieur de celle-ci, le visiteur doit pouvoir déambuler librement. Les multiples recoins appellent le visiteur à s’approcher au plus près des objets, à engager son corps de manière plus intime. L’ensemble constitue une accumulation de propositions plastiques qui nous éloigne volontairement de toute autorité. Elle souhaite recréer et faire vivre au visiteur son expérience quotidienne, à savoir ses déambulations dans les rues durant lesquelles son regard est attiré par des détails et des moments de vie.
Finalement, Juliette Dominati propose avec Pince-mi et peins-moi une nature morte immersive et transitoire qui ne cache pas sa fragilité. Elle a d’ailleurs décidé que l’ensemble des éléments récoltés retourneront là où ils ont étés prélevés, dans la rue, dans les encombrants. Ultime soulagement pour l’artiste : la tentation de la relique est évitée.
Travail antérieur