Justine Van Den Driessche
Déviations
Dans le parc du château de Sacy, Justine Van Den Driessche a créé une balade sonore, où se mêlent dessins, archives et témoignages audio. Elle redonne vie à dix Fabriques disparues du parc d’Ermenonville, dont les seules traces sont des descriptions écrites. Ces constructions romantiques à la mode aux XVIIIème et XIXème siècles parsemaient à l’époque les jardins. Elles évoquent en général des éléments architecturaux inspirés de l’Antiquité, de l’histoire, de la nature…
Ses installations s’intéressent au lien entre les nouveaux médias et la mémoire des lieux, des personnes, ainsi qu’à la place de la fiction dans l’espace public. Déjà en 2012 pour la Nuit Blanche à Bruxelles, elle avait piégé le visiteur dans Capturing the Academy avec une sorte de boucle vidéo lui ôtant ses repères spatiaux-temporels. « Je cherche à perturber les attentes du visiteur, à questionner sa perception de l’environnement »
Le travail réalisé, durant cette première résidence, s’inscrit dans la continuité d’un art qui explore l’environnement, à la manière des situationnistes. On pense notamment ici, à la théorie de la dérive de Guy Debord. L’artiste prolonge les questionnements autour de l’appropriation de l’espace public. En outre, l’approche très singulière du son n’est pas sans rappeler les premières Walks de Janet Cardiff, avec un brin d’ironie en plus et un soupçon de provocation. Les balades insouciantes de l’époque romantique sont tournées en dérision et n’ont plus de raisons d’être depuis l’ère industrielle.
Le jardin à l’anglaise d’Ermenonville, conçu par René de Girardin, doit sa renommée à l’écrivain des Lumières Jean-Jacques Rousseau, mort sur les lieux avant d’achever sa dernière autobiographie, Les rêveries du promeneur solitaire. Mais avec Les dix promenades du rêveur à la recherche des fabriques disparues on est loin de la balade romantique Rousseauiste. Le visiteur, muni d’un lecteur mp3, se balade dans le parc à la découverte des Fabriques. La description audio que fait Justine Van Den Driessche est interrompue par les conversations des habitants des alentours enregistrés durant sa résidence. Ils racontent au promeneur des instants de vie, anonymes et fugaces, qui s’entrecoupent dans un parcours sonore quelque peu déroutant. « Je remets en question le système bienséant de la narration élogieuse en “storytelling”, à laquelle nous sommes tous acclimaté, voir formaté. » affirme Justine Van Den Driessche.
Dans le même esprit de collecte d’éléments éphémères du quotidien, la seconde œuvre présente une vidéo dans laquelle les souvenirs d’Hermine Williams défilent entre ses mains. Une délicate intrusion dans l’intimité de l’héritière du château. Cette œuvre s’inscrit dans la série, Les Collectionneurs, où des inconnus expriment leurs souvenirs à partir de photographies prises chez eux. Cette série sollicite la réflexion du spectateur sur son rapport à l’histoire, aux objets de mémoire… Elle nous renvoie au temps qui passe, à la mort inéluctable, à la banalité du quotidien.
« Je suis loin du monde prestigieux de la collection d’art. Je remets tout à la même échelle, pauvre ou riche, la valeur affective qu’on porte aux objets et au superflu, nous concerne tous et nous enferme dans le même schéma, qui que l’on soit. C’est humain ! »
Travail antérieur