« Il n'est pas nécessaire de construire un labyrinthe
quand l’Univers déjà en est un »
Jorge Luis Borges
Extrait de l’Aleph, 1952

Si la photographie peut être un simple document, un souvenir ou une œuvre d´art, elle peut aussi être une littérature d´images, une sorte de roman. Avec ses travaux réalisés en séries la photographe María Fernanda Sánchez-Paredes nous invite à une photographie aux sens multiples qui aborde le paysage naturel ou le milieu urbain, à partir de photos prises dans des voyages au Mexique comme la série « Apertura » (2008) ou en Europe avec les séries « Dédale » (2011) et « Yvetot » (2012). Le plus souvent elle présente ses photos en caissons lumineux et supports de grand format. Dans ses séries, derrière le cheminement du regard d´une image à une autre, la photographe nous dévoile une construction où chaque image, indépendante, se déploie et rentre en conjonction avec les autres. On peut, par exemple, y rencontrer plusieurs lieux avec leurs propres champs d´expressions et très différents les uns des autres.

Pourtant par le biais de parallèles, de contradictions ou de résonnances ils sont tous réunis par un singulier sentiment d´ensemble. Ainsi une couleur apparaît, une forme surgît et se refond, de photo en photo, comme autant de vases communicants ou de jeux de miroirs sans que nous puisons en conclure une finalité. Une absence de conclusion fécondante pour cette artiste qui ne ferme aucunes pistes, un monde imaginal donc en expansion.

Influencée par des écrivains comme Jorge Luis Borges, Julio Cortázar ou encore Enrique Vila-Matas et sans doute poussée par le paradoxe que ce n'est pas parce que l´on photographie le réel que l´on montre la réalité, l´auteure nous dévoile un langage où la gamme des sentiments se révèle par strates successives au delà de l´anecdote des choses. Le désir de son investigation dans cet univers infini lui dévoile, à l´instar de ces explorateurs du réalisme magique, que derrière une image (ou un sens) se cache une autre image puis une autre, toujours plus réelle. Ces travaux apparaissent alors comme autant de corpus poétique, de jeux de pistes, de labyrinthes, de romans d´images, sans oublier la beauté de ce qui l´anime le plus, le paysage. À Sacy-le-Petit, l´auteure continue l´exploration d´un regard qui ne se suffit pas de l´anecdote et de l´esthétisme. Cherchant plus loin, par la construction de sens mêlés, son travail la conduit aux frontières de ce que l´on pourrait appeler une architecture invisible.

Aurélien Potey