Ruth Scott
Trace
Trace
Le passage du temps est ici très rythmé – les cloches de l’église assurent la synchronisation de chaque chose. Il n’est pas nécessaire de posséder une montre ou une horloge – il suffit d’écouter le carillon pour savoir qu’il est l’heure de dîner ou d’aller se coucher.
Le trapèze suspendu dans le grenier se déplace à la manière d’un balancier. Le mouvement de cet objet (que Philippe Petit a utilisé) fait écho au tintement de la cloche de l’église, mais lui se balance doucement pour finalement s’arrêter. Trapeze Time, un court métrage présenté sur petit écran à travers une vitre dans une horloge hors d’usage nous rappelle l’importance du temps au château (ainsi que son manque).
Les toiles d’araignée sont présentes dans chaque recoin du bâtiment, dans les lézardes des murs, dans le parc. La complexité de leur toile me fait penser à des mèches de cheveux, notamment lorsqu’une araignée utilise mes propres cheveux pour confectionner sa toile. La création disparaît pendant la nuit, soulignant la fragilité de la toile d’araignée. Les films Web et Strand utilisent des toiles d’araignée et des mèches de cheveux observées à travers la lentille de la caméra. Le visiteur bénéficie d’une visite guidée de la maison et du parc où la perspective oscille entre le mouvement physique et la surface dense de la toile.
Le charbon de bois est un matériau que j’ai souvent utilisé pour marquer le temps et l’emplacement de mes œuvres. Pendant mon séjour au Château, j’ai étudié la manière dont le charbon est utilisé pour nettoyer les corps des hommes et leurs espaces de vie. Un marronnier du parc a été frappé par la foudre peu avant mon arrivée. J’ai utilisé les cendres et le charbon de cet arbre dans mon œuvre Charcoal Skin. Mes mains, mes pieds, mes dents et mes vêtements deviennent le support de cette œuvre qui s’inscrit dans la durée, le charbon nettoie et marque mon corps. Charcoal Skin se déroule dans une petite cave, dans laquelle ce geste intime qu’est le nettoyage est réaffirmé – une seule personne à la fois peut assister à la performance.
Avant son arrivée au Château de Sacy, Ruth Scott était engagée dans une série de travaux dont le but était d’explorer la relation entre les artistes et leurs espaces de vie, au moyen de différents supports - dont des installations sonores et vidéo - afin d’analyser l’énergie temporelle et éphémère des artistes travaillant dans l’idiome de la performance.
Des artistes comme Vito Acconci (performer des années 1960 et 1970) ont été une véritable source d’inspiration pour ses premiers travaux dans lesquels le moi physique des artistes devenait à la fois l’image et le support.
Par exemple, Box Performance 2006 posait la question de la transformation d’une tente en toile. Imaginons que nous nous trouvons dans une tente au coucher du soleil. Nous écrivons sur la paroi de notre enveloppe de toile pendant que la texture chromatique du monde change. La lumière est écrasée par les ténèbres. Cette inscription sur la surface de notre habitation indique notre présence. Les mots apparaissent à la surface et résident en notre absence - nos marques ne sont pas simplement des hiéroglyphes devant être déchiffrés, ce sont des marques brutes, les lueurs de l’énergie primitive émanant de cet animal qui se crée un abri ainsi que les outils lui permettant d’exister dans l’espace. Notre tente est à la fois un espace de projection et de protection, un espace abritant des nuits imaginaires sous les étoiles.
Les œuvres de Ruth Scott ne sont jamais figuratives, mais évocatrices d’idées nomades qui refusent de se ranger. Notre seule défense est de vite définir des frontières pour repousser cette infinité, de l’encre sur du papier vélin, du stylo bille sur une trousse d’écolier, du charbon sur les parois d’une cave enfouie sous la surface de la terre. Il s’agit de la trace elle-même, du supplément de la conscience, du miroir de l’humanisation, de la lumière traversant les ténèbres.
Pendant sa résidence, Ruth a défini sa trajectoire comme la continuité de cette médiation abstraite mais physique de son corps dans l’espace. L’artiste utilisera des supports complémentaires au dessin pour explorer « la manière dont nos propres corps peuvent être organisés, en retraçant leurs mouvements, et en déterminant leur absence ».
(Traduction Aurélie Glodowiez)
Travail antérieur
L’utilisation de l’espace à travers le dessin est intrinsèque à mon art. Plus important encore, cela fait un espace pour créer, pour penser et un espace pour l’échange qui peut fournir un tournant dans la carrière d’un artiste. La résidence au Château de Sacy va favoriser une période de focalisation où l’exploration et réalisation de travail nouveau peut se faire. L’opportunité de travailler seulement sur mon art me donnera le temps et l’espace dont j’ai soif pour réaliser un nouveau projet. J’utiliserai mon temps à l’atelier pour continuer mon investigation, qui date du festival « Body Navigation » à Saint-Pétersbourg en 2006, sur la recherche du dessin à travers le film. J’aimerais faire une série de films et performances qui documentent encore mon approche au dessin dans un espace qui s’y prête, basée sur la performance.