Sara Trillo
Touche du bois
L’exposition de Sara Trillo intitulée « Touche du bois » a pris comme point de départ une résidence en deux parties commencée l’été 2020 et poursuivie l’été 2021, quand l’artiste a passé quelque quatre semaines au château, à faire une enquête méditative sur la faune et la flore locale. L’histoire de la contrée, jadis le siège de rites païens et animistes, avant de devenir un lieu de pèlerinage chrétien, fascine Trillo par la manière dont des rites révérant la nature deviennent superstition quand les espace sacrés adhèrent au narratif.
Prenant pour référence « Le Rameau d’Or » (1890) par James George Frazer, étude des similarités entre croyances magiques et croyances religieuses à travers le monde, Trillo met en pratique sa propre version de « magie sympathique » en se servant des qualités intrinsèques de ses matériaux pour activer un pouvoir profond. Le travail de Trillo est in-situ et intime. Il s’est développé en écoutant le chant des oiseaux, en scrutant le ciel pour de subtiles variations du temps et leur impact sur la végétation alentour, en rassemblant des têtes de fleurs mortes et de fruits tombés, en les écrasant, les craquant, les faisant mijoter comme le ferai un alchimiste afin d’en extraire encres et pigments. Avec le jardin de Sacy elle reflète l’histoire des paysages environnants, et connecte les vestiges romains de Champlieu à la Forêt d’Halatte. Que Sacy soit entouré de kms de terre en monoculture le transforme en un oasis de biodiversité.
Trillo utilise des noix pour leur teinture et texture, de l’argile venant d’une souche de sapin pour façonner des outils qui disséminent des noyaux de cerises et les pétales de lys et de roses pour teindre tablier et gant démesurés. page 5. Elle honore une histoire éphémère matrilinéaire d’artisanat et de travaux manuels tout en se référant à des histoires spécifiques telles que « La Belle et la Bête », le film de Jean Cocteau, où la métaphore du gant évoque protection et transformation. Ici le gant de Trillo reflète la distance entre l’humanité et le monde naturel, un désir de tenir et de retenir qui va de pair avec la crainte de notre rôle dans la nature.
Il ne s’agit pas d’un herbier où les plantes sont compressées pour être étudiées, parce que Trillo ne cherche pas à préserver mais au contraire activer l’essence de chaque spécimen en les utilisant pour oindre et imprégner de rituel. Elle crée des votives imaginés et des artefacts qu’on ne trouve pas dans les vitrines remplies d’armes et d’objets métalliques des musées. Les siens sont le genre d’outils qui cultivent soigneusement la terre et une fois utilisés retournent au sol pour être réaffectés et traités par les vers de terre et les réseaux de racines
Pour « Touche du bois » ce nouveau corps de travail est exposé dans la bergerie du château de Sacy, dont la haute structure de pierre s’apparente à une chapelle ancienne, la mangeoire servant d’autel, les murs blancs et crémeux évoquant un processus de purification rituelle. Le titre de l’exposition joue sur l’idée de superstition tout en faisant un clin d’œil aux jardiniers dont les mains entretiennent si tendrement l’équilibre entre ces petits écosystèmes qui pourtant ne sont jamais mentionnés dans les récits historiques de grands domaines.
Traduction : H.W.
D’autres images de la résidence
Travail antérieur